Ce Qui Nous arrive

“ Ce Qui Nous Arrive ” est un espace de rencontre dont l’objectif est de préparer et accompagner les inévitables basculements dans les secteurs du social, de la santé, de l’éducation permanente et populaire, de la culture, au vu des différentes crises qui nous traversent et qui nous traverseront encore demain.

Chaque catastrophe révèle l’extrême fragilité des publics précarisés, dont la vie comme la survie se trouvent dévaluées. La crise sanitaire ne fait pas figure d’exception. La pandémie du coronavirus a mis la lumière sur les inégalités socioéconomiques et de santé au sein de la population. De multiples recherches témoignent d’un creusement des inégalités sociales et de santé préexistantes et de l’apparition de nouvelles et, par conséquent, d’une véritable explosion des inégalités.
A ces constats vient s’ajouter celui de la crise démocratique. Depuis longtemps déjà, la désaffiliation est en route. A l’occasion de la crise socio-sanitaire, elle nous a sauté au visage et a fait patiner la campagne de vaccination dans certaines zones du pays. Depuis des années, les quartiers et les populations qui vivent la précarité alertent les autorités. Du niveau local au niveau fédéral, l’insuffisance de solutions concrètes voire la dégradation des conditions de vie, de travail, de logement, de l’ancrage scolaire, etc. a installé un déficit de confiance voire une colère tangible.
Cette crise sanitaire, qui se mêle aux situations migratoires et climatiques, est un avertissement puissant de ce qui est en train d’advenir. Nous avions en tête des échéances qui sont déjà effondrées et nous pensions au destin des générations suivantes : nous devrions avoir désormais compris que ces échéances et ces destins font partie du déjà là. Ce déjà là se décline en feux, sécheresses, canicules, inondations, inflations, pénuries, virus, guerres, pauvretés, inégalités, etc.

Et le non-marchand dans tout ça ?

Face à ce déjà là, la place et le rôle des acteurs sociaux au sens large – mouvements sociaux et associatifs – sont pleinement posés. En effet, les métiers du social, de la santé, de l’éducation permanente, de la jeunesse, de la culture, … figurent parmi les secteurs les plus exposés à ces questions et à ces problématiques parce qu’ils sont au contact des populations déjà basculées ou en cours de basculement. Ces secteurs qui, déjà, étaient dans l’essoufflement avant à cause de l’évolution du monde du travail, des services surchargés par la complexité de l’accès aux droits sociaux, la précarisation de la population, etc. Autant d’éléments qui expliquent l’affaiblissement des démarches collectives, du travail communautaire, de l’éducation permanente et populaire et des ambitions de capacitation citoyenne qui entretenaient l’illusion du « Pacte social » partagé. Sans rien dire du travail administratif nécessaire à l’accès aux droits fondamentaux qui a pris le pas sur l’ensemble des activités qui nourrissaient les solidarités chaudes et les dynamiques collectives, fondement de la démocratie.
Ainsi, ces acteurs, qui assuraient un rôle fondamental dans la démocratie, sont mis à rude épreuve et sont souvent touchés de plein fouet par un manque de sens, un sentiment d’immobilisme, une démotivation importante … Continuer de la sorte nous parait donc suicidaire car le danger est que la colère sociale prenne appui sur la fatigue des travailleurs de terrain. Si cela arrive, elle ne pourra concerner que le rejet et non le désir de ce que nous voulons pour ce qu’on appelait le monde de demain qui est en fait celui d’aujourd’hui (sur les communs, le rationnement, l’écologie populaire, la démocratie au travail…). Ce rejet favorise un exutoire vers des formes non démocratiques : nous voyons partout en Europe et chez nous aussi, toute une série de partis prêts à prendre sous leur aile une telle colère. C’est pourquoi, il est urgent de se serrer les coudes pour tenir et contribuer au monde de demain plutôt que de panser les plaies de celui d’aujourd’hui. Comment éviter que les basculements ne renversent en même temps les manières démocratiques de gérer la vie publique que nous expérimentons avec plus ou moins de bonheur depuis quelques décennies seulement ? Ce que nous avons à disposition est-il suffisant pour accompagner le basculement ? Dans ces conditions, comment peser dans ces diverses crises en cours ? Sommes-nous à la hauteur des enjeux ? Comment aborder le présent et l’avenir ?

Ce que nous proposons ?

Les basculements que nous vivons charrient des changements qui ne sont pas désirables. Les « communs négatifs » que nous devrons prendre avec nous (déchets nucléaires, sols pollués, sols artificialisés, rivières toxiques, etc.) prennent le pas, par leur lourdeur et leur ampleur, sur des propositions collectives qui permettraient de se saisir d’un objectif commun. Aujourd’hui, il nous appartient donc de créer un récit actualisé du monde qui prennent les basculements à bras le corps et contrarie le creusement des inégalités et la destruction de la planète auquel nous assistons de manière toujours plus accélérée. Un monde vivable pour toutes et tous. Alors que les bouleversements de la révolution industrielle donnèrent naissance aux idéologies nouvelles du XXème siècle avec les résultats que l’on sait, notre époque doit entreprendre une narration radicalement écartée des idéologies et des pratiques existantes. Les bouleversements actuels et futurs exigent des visions neuves. Les prochaines années, voire mois, doivent se caractériser par un questionnement intense et la formulation de nouveaux modèles sociaux et politiques. Cette abondance de nouveaux défis et de pistes à explorer nous invite à penser que notre histoire n’est certainement pas achevée et qu’elle est ouverte, toujours à recommencer.
C’est pourquoi, il est urgent de se remettre en route, collectivement, entre acteurs qui partagent la même préoccupation d’une société plus juste et solidaire pour et avec toutes et tous, humains et non humains. C’est à quoi tend « Ce Qui Nous Arrive ». Concrètement, CQNA se veut être un espace de rencontres ouvert et mouvant dont l’objectif est de préparer et d’accompagner les inévitables basculements dans les secteurs du social, de la santé, de l’éducation permanente et populaire, de la culture, au vu des différentes crises qui nous traversent et qui nous traverseront encore demain. Pour ce faire, l’idée est 1) de croiser nos enjeux et expertises, se rencontrer ; (2) de s’accorder sur une vision commune de la crise et 3) d’opérationnaliser des actions communes sur le terrain.
En premier lieu, le premier pas consiste à dépasser le cloisonnement auquel on nous assigne trop souvent et à s’ouvrir à l’interrelation des crises et des acteurs autour des crises. Les organisations et actions solidaires sont multiples et nous sommes persuadés que c’est dans la transversalité des expertises et compétences que la solution prend forme. C’est pourquoi, CQNA se veut être un endroit où nos « différents mondes » se rencontrent et se réunissent, où des coordinations se forment, où les savoirs se co-construisent, où des dialogues et débats émergent, où des acteurs s’associent, … Bref, où la diversité de nos savoirs et expériences s’encastre dans des pratiques et des usages partagés.
En deuxième lieu, nous voulons rêver ensemble le monde d’aujourd’hui, parce que l’essoufflement vient aussi du fait que l’on ne voit pas le bout, parce que tout s’accélère et s’empire sous nos yeux. Que les grilles de compréhension du monde d’hier s’écroulent. Heureusement, il n’existe pas uniquement des murs, car bon nombre de chercheurs.euses, poètes et activistes voient la catastrophe arriver depuis longtemps. C’est pourquoi, lors des journées de rencontres que CQNA organise, nous donnons volontiers la parole à des inivité.es, pas toujours les personnalités les plus connues, portant des dossiers qui nous intéressent et faisant des analyses et des propositions sur le monde d’aujourd’hui et de demain. Par-là, il s’agit d’alimenter en contenu et de stimuler la réflexion sur la question des inégalités sociales, de santé, environnementales, du pouvoir d’agir, du travail de terrain … tout en gardant bien alignées les différentes situations en cours (migratoires, environnementales, sanitaires, voire sécuritaires, démocratiques …)
En troisième lieu, le but est de faire atterrir les idées, les théories, les discussions et les divers débats en projets opérationnels et réappropriables par les travailleurs du social, de la santé, de la jeunesse, de l’éducation permanente et les publics précarisés et/ou éloignés eux-mêmes. Cette dernière étape – et surement la plus importante – consiste à mettre en place et/ou s’allier sur des projets qui visent à nourrir les solidarités chaudes ; relocaliser l’action et mailler les forces vives (formelles et informelles) de micro territoires ; s’allier sur ce qui fait priorités pour les gens et entamer les réparations aux différents niveaux ; reconstruire des communs et entamer le tissage de la démocratie à l’échelle des quartiers ; …

Pour cela, pourquoi ne pas :

Sortir du cloisonnement : s’ouvrir à l’interrelation des crises et des acteurs autour des crises

Construire une vision commune : stimuler la réflexion et la créativité. A partir des problématiques nouvelles de notre temps, faire jaillir l’étincelle de la créativité qui se manifeste tant dans une nouvelle façon de vivre et d’aborder les phénomènes que dans les idées nouvelles

Opérationnaliser des projets communs sur les territoires : sortir d’une posture d’attente vis-à-vis des politiques et reprendre le pouvoir en entreprenant des projets concrets dans les territoires.

CQNA est actuellement porté par un ensemble d’acteurs (Le Grain, Le Forum contre les inégalités, La Fédération des Services Sociaux, Lire et Écrire et la Fédération des Maisons Médicales). Mais c’est bien l’ensemble des structures intéressées par l’union des forces que nous cherchons à réunir. CQNA, c’est vous, c’est nous.