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Les prochains défis « climatiques » juridiques de l’industrie de l’assurance

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Publié le 16 mars 2022 à 12:12Mis à jour le 12 juil. 2022 à 14:22

Si l’on isole quelques acteurs spécialisés en matière d’assurance paramétrique, la responsabilité civile environnementale ou encore les couvertures spécifiques CatNat, le rôle à jouer par l’industrie de l’assurance en matière de changement climatique reste encore relativement en retrait malgré certaines initiatives notables et récentes.

Pourtant, dès le 11 décembre 2019, la Commission Européenne émettait une communication intitulée le « pacte vert pour l’Europe » dans laquelle elle soulignait la nécessité de permettre aux assureurs d’accéder aux données nécessaires pour leur permettre de « mettre au point des instruments permettant d’intégrer le changement climatique dans leurs pratiques de gestion des risques. » (COM(2019)640).

Moins d’un an après soit le 17 septembre 2020, la Commission adoptait une nouvelle communication intitulée « Accroître l'ambition de l'Europe en matière de climat à l'horizon 2030 - Investir dans un avenir neutre sur le plan climatique dans l'intérêt de nos citoyens ».

Afin de poursuivre cet objectif, la Commission européenne a élaboré une série d’actes législatifs contraignants dans le cadre d’un paquet plus large intitulé « Fit for 55 » ayant pour dessein de réviser l'ensemble du cadre climatique et énergétique de l'UE à l'horizon 2030. L’industrie de l’assurance doit jouer un rôle particulier dans le cadre de ces objectifs climatiques notamment du fait de sa dimension institutionnelle, de sa source de financement de l’économie via ses investissements mais également de son rôle de prévention des catastrophes.

Cependant, malgré l’action concrète et évolutive des acteurs de l’assurance sur le terrain climatique, le cadre législatif européen, certes foisonnant, reste difficilement accessible.

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Devant cette profusion de normes qu’elles soient impératives ou de softlaws, qu’elles touchent à l’assurance vie ou à l’assurance non-vie, il est essentiel de distinguer les dispositions pertinentes afin que les (ré)assureurs et les distributeurs d’assurances abordent de façon claires les prochains défis climatiques .

Revue de la Directive Solvabilité 2

La Directive 2009/138/CE dite Solvabilité 2, en cours de révision, répond notamment à deux préoccupations majeures mises en lumière à l’aune des évènements climatiques et pandémiques récents :

- examiner les nouveaux éléments de preuve concernant l’identification d’investissements nuisibles sur le plan environnemental ou social en vue d'éventuelles modifications de la formule standard de Solvabilité 2 ;

- analyser régulièrement des données relatives à l'évolution de la fréquence et de la gravité des catastrophes naturelles et à l'exposition des (ré)assureurs de l’Union Européenne à ces catastrophes, en vue de modifications éventuelles des modules de risque de catastrophe de la formule standard de Solvabilité 2.

On notera avec un fort intérêt que le projet actuel de refonte contient de nombreuses et nouvelles dispositions dédiées au risque climatique.
Le texte actuel admet que ces risques sont difficiles à quantifier ou à matérialiser sur une période plus longue que celle utilisée pour le calibrage du Capital de Solvabilité Requis (CSR). Cela étant dit, les entreprises d’assurance et de réassurance qui sont exposées de manière significative aux risques climatiques, devraient être tenues de réaliser, à intervalles appropriés et dans le cadre de l’évaluation du risque propre et de la solvabilité, des analyses de l’impact des scénarios de risque de changement climatique à long terme sur leurs activités.

Dans le cas d’une exposition matérielle à ces risques climatiques, les (ré)assureurs soumis au cadre Solvabilité II devront envisager deux scénarii : le premier prenant en compte un changement climatique inférieur à deux degrés Celsius et le second supérieur à deux degrés Celsius. Régulièrement, au regard de ces scénarii, une analyse concrète d’impact sur l’activité de l’entreprise devra être établie.

Les modifications de la Réglementation Solvabilité II en matière climatique intéressera ainsi toutes les entreprises d’assurance, réassurance ou encore mutuelles soumises à son champ d’application.

Règlement Taxonomie

L’objectif de la réglementation Taxonomie (UE 2020/852) est de contribuer à améliorer le flux de capitaux vers les activités durables dans l’Union européenne. Cette réglementation vise également à lutter contre l’« éco-blanchiment » (ou « green-washing » ) qui consiste à commercialiser un produit financier comme étant respectueux de l’environnement afin d’obtenir un avantage concurrentiel indu alors qu’en réalité, les normes environnementales de base n’ont pas été respectées.

Permettre aux investisseurs de réorienter leurs investissements vers des technologies et des entreprises plus durables sera essentiel pour rendre l’Europe climatiquement neutre d’ici 2050. La taxonomie ambitionne ainsi de créer un langage commun que les investisseurs pourront utiliser lorsqu’ils investissent dans des projets et des activités économiques qui ont un impact positif substantiel sur le climat et l’environnement. Elle introduit également des obligations de divulgation pour les entreprises et les acteurs des marchés financiers permettant une véritable transparence.

Plus récemment, le 2 février dernier, la Commission Européenne présentait des travaux complémentaires à la réglementation Taxonomie (projet actuel d’un acte délégué complémentaire). L’objectif poursuivi est de permettre aux investisseurs (au sens large) d’être en mesure d’identifier la destination des capitaux investis (donc notamment des primes d’assurance en matière d’assurance vie) selon une approche transparente. A cette fin, il convient d'établir des exigences d’informations spécifiques mais également une méthodologie permettant d’indiquer clairement si les produits financiers visés aux articles 5 et 6 du Règlement Taxonomie (UE 2020/852), dont font partie l’assurance vie (cf. son Article 2. 12) Règlement SFRD), concernent une exposition aux activités liées au gaz fossile et à l'énergie nucléaire. Pour garantir que ces informations soient clairement identifiées par les investisseurs finaux, la Commission envisagera de modifier les exigences relatives aux conseils financiers et d'assurance donnés par les distributeurs d’assurance.

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Cette réglementation devra bien entendu être prise en compte également de concert avec la réglementation nationale. On soulignera que l’article L. 131-1-2 du Code des assurances à la suite de sa modification en raison de l’édiction de la loi du 22 mai 2019 dite « Loi Pacte » exigeait qu’à compter du 1er janvier 2020, tout contrat d’assurance vie comporte, parmi les unités de compte proposées, au moins une unité de compte constituée en tout ou partie de parts ou titres relevant soit de l’économie sociale et solidaire, soit de l’investissement socialement responsable, soit de la transition énergétique et écologique, dans des conditions et proportions déterminées par la loi, et renvoyant à certains labels.

Bien que le dispositif de la Taxonomie ne soit pas encore complet, le praticien voit émerger une source importante de responsabilité et de conformité pesant sur toute la chaîne de la distribution des assurances vie mais également sur les modalités d’investissements des fonds des entreprises d’assurance et de réassurance.

Règlement SFDR

Enfin, le Règlement SFDR (sustainable finance disclosure regulation) encadre la notion de durabilité. Il aide notamment les investisseurs à faire un choix parmi les produits en classant les fonds en trois catégories distinctes (déclinaison des produits dits Article 6, 8 ou 9), suivant le degré d’importance du critère de durabilité et selon que celui-ci revêt un caractère obligatoire ou non, avec des exigences spécifiques en matière de publication d’informations pour chacune de ces catégories.

Appliqué au secteur de l’assurance, le Règlement SFDR, en vigueur depuis le 10 mars 2021 ajoute des informations précontractuelles environnementales et sociales à délivrer avant l'adhésion aux contrats d'assurance-vie épargne et de retraite supplémentaire, tant au niveau du contrat lui-même que de ses supports d'investissement.

Pour les assureurs qui se sont engagés à rendre compte des impacts négatifs majeurs sur les facteurs de durabilité (« principal adverse impact » ), la période du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2022 constitue la première période de référence permettant la publication de rapports au 30 juin 2023 dans le cadre du Règlement européen sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers.

La réalité du défi climatique ne fait plus aucun doute, et cela est prouvé par la multiplication des normes et orientations législatives de l’Union européenne, invitant les acteurs de l’assurance à se saisir de la question.


Luc Bigel, Avocat aux Barreaux de Paris et du Québec & Hamza Akli, Avocat au Barreau de Paris,DLA Piper France LLP

Proposé par DLA PIPER

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