Carnet de route vers l'Italie #2 : Marseille, "la ville au monde la mieux dépistée"
Pour ce deuxième jour dans la cité phocéenne, nos journalistes Emilie Bec et Yanick Philipponnat sont partis du côté de La Ciotat, afin de mesurer l'impact du confinement sur les calanques. Mais ont aussi découvert comment le tissu associatif et la solidarité permettent de sauver bien des situations dans les quartiers les plus populaires. Récit.
Ce samedi, après avoir pris le pouls dans différents quartiers de la ville, une inquiétude point : beaucoup plus de monde dans les rues que d'accoutumée. Même si on est loin de l'agitation habituelle, la vie semble reprendre un peu trop vite son cours quand le soleil est là... Changement de décor aujourd'hui. C'est dimanche, il pleut, Marseille est triste sous un ciel gris. Les rues sont désertes.
Direction La Ciotat
Là-bas nous attend Mathieu Imbert. Cet agent de terrain du parc national des Calanques de Marseille confie, avant une nouvelle sortie en mer, avoir un bon espoir sur l'impact positif de ce confinement sur la nature. Explications :
Changement total de décor. Nous voilà au cœur des 13e et 14e arrondissements de Marseille. Soit une population de quelque 150 000 habitants, dont 60 % de foyers monoparentaux. Près du pôle médical 7/7, une tente est dressée. En quelques jours, infirmiers et médecins bénévoles, avec le soutien de Médecins sans frontières, ont mis en place un lieu de dépistage du Covid-19 unique : il accueille en effet tous les malades symptomatiques, avec ou sans ordonnance, assurés ou pas.
Une véritable nécessité quand, dès la première semaine, une vague de contamination a notamment touché la communauté comorienne de la ville : 249 personnes testées, 139 positives, 70 admises en réanimation et trois décès. Il fallait agir, vite : "Les messages de prévention sont heureusement bien passés et les cas en réanimation ont baissé rapidement. Mais les institutions n'ont pas répondu présent sur les premiers jours, regrette Yazid Attalha, échographe et membre de l'association Santé et environnement pour tous. La seule chance dans ces quartiers populaires, c'est le tissu associatif. Car des gens qui étaient dans la galère se sont retrouvés dans la misère. 70 % des quartiers de Marseille sont des quartiers populaires !"
Car dans cette tente, on ne fait pas que du médical, mais aussi du social, pour ceux qui ont faim, qui n'ont rien ou plus grand-chose. La mobilisation est partagée, à l'image du club de foot du FCLM, venu donner un coup de main pour la logistique à défaut de pouvoir chausser les crampons.
Le dépistage, une évidence à Marseille
Depuis sa mise en place jeudi, une soixantaine de personnes sont venues se faire dépister par la quinzaine de bénévoles qui se relaie. Un chiffre pour l'heure encore modeste et pour cause : "L'Agence régionale de santé ne nous fournit pas de masques, pas de blouses, pas de tests. Ils n'ont aucune réponse à apporter à une action déjà mise en place, souligne Yazid Attalha. Alors on est en train de voir avec l'hôpital Nord pour en fabriquer." Ici, on en est sûrs, dépister massivement est la meilleure chose à faire. "Marseille a la plus forte population au monde à avoir été dépistée, rappelle le Dr Attalha. Ce n'est pas pour rien que la vague est descendante chez nous et on peut dire merci au coup de main de l'IHU pour ça."
L'IHU est devenu indissociable du Dr Raoult, aussi controversé que salué, surtout dans sa ville.
Des bricoleurs vigilants
On reprend la route, direction une pâtisserie bien connue des gourmands. Depuis le début du confinement, les deux boutiques de Bricoleurs de douceurs ont fermé leurs portes. Pas par obligation, puisque métier de bouche, mais par peur : "On était dans l'inconnu, sans savoir comment on pouvait ouvrir, ni dans quelles conditions. On a donc décidé de fermer et de prendre le temps de réfléchir à toutes les mesures à mettre en place pour que notre équipe soit en sécurité, tout comme nos clients", explique Aurélie Pauletto.
On n'est pas les plus à plaindre
Un mois plus tard, ce week-end marquait le lever de rideau d'une nouvelle étape pour Aurélie et son compagnon chef pâtissier, Clément Higgins : une production moindre avec une carte de gâteaux réduite (150 à 200 gâteaux par boutique ce samedi contre 600 d'ordinaire), car seuls trois pâtissiers œuvrent au labo contre 9 en temps normal. Horaires et jours d'activité réduits également, mais Aurélie veut faire contre mauvaise fortune, bon cœur : "On n'est pas les plus à plaindre, d'autres commerces ne se relèveront pas de cette crise. Nous, nous avions de la trésorerie d'avance, on a pu payer tous nos fournisseurs et nos loyers, pour l'instant."
Évidemment, l'optimiste cohabite avec l'inquiétude face à un avenir aussi nuageux, pour l'heure, que le ciel de Marseille en ce 19 avril.
SOS Méditerranée est à l'arrêt
Dernier rendez-vous de la journée avec Sophie Beau. Confinement oblige, on s'adapte et c'est par visio que la directrice de l'ONG SOS Méditerranée nous fait le point sur ses bateaux à quai. Une situation complexe, qui a conduit à une rupture du partenariat établi avec Médecins sans frontières, qui souhaitent repartir en mer sur le champ quand SOS Méditerranée veut temporiser...
Ce lundi, on quitte Marseille, direction Nice.
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