Après un premier trimestre d'ores et déjà difficile, la baisse de la production et des ventes de l’industrie automobile japonaise s’est accentuée en avril. Les entreprises se préparent à une prolongation de la crise. En l’absence de plan gouvernemental dédié, elles mobilisent les aides transversales publiques et les initiatives de soutien au sein même du secteur.

1. Le secteur automobile a été fortement affecté au 1er trimestre.

L’industrie automobile continue d'avoir un poids majeur au Japon : principal employeur (avec plus de 8% des emplois), elle représente plus de 10% du PIB en 2019 et plus de 20% des exportations (environ 130 Mds € en intégrant les autos, motos et pièces détachées, soit près de 3% du PIB).

En raison de la concentration des activités des principaux constructeurs dans la province chinoise du Hubei, cette industrie a été touchée très tôt par la crise sanitaire, en affrontant des ruptures des chaînes d’approvisionnement puis des interruptions de lignes de production liées aux mesures de confinement. La baisse généralisée de la demande ne l'en a que plus touchée. Au premier trimestre, la production de véhicules automobiles des constructeurs a diminué, en glissement annuel, de -7,6% au Japon (pour atteindre près de 2,4 M) et de -21,6 % à l’étranger (presque 3,8 M de véhicules). En avril, la production mondiale de Nissan baissait de -62,4%, celle de Toyota de -51 %, de Honda de -48% et de Mitsubishi Motors de -33,8%, par rapport à la même période de l'année précédente.

Sur le marché intérieur, les ventes de véhicules automobiles ont connu un repli de -10 % en glissement annuel au 1er trimestre, de -28,5% en avril. L'effet COVID a accentué l'impact négatif exercé par la hausse de la TVA décidée en octobre, avec une chute des ventes qui avait dépassé 16% dès le quatrième trimestre 2019. La contraction s'est avérée plus forte encore sur les marchés étrangers où, à l'exception de la Chine, les ventes ont continué à se détériorer en avril (baisses respectives sur le premier trimestre et en avril de -12,4% et -51,3% pour Toyota, -29,8% et -41,9% pour Nissan). Les exportations de véhicules (48% des unités produites) ont en outre diminué en volume de -8,5% en g.a. au premier trimestre (-21% vers l’Europe, -14,4% vers les États-Unis, stables vers l’Asie) et de -54,2% en avril (-59% vers l’Europe, -68% vers l’Amérique du Nord et -32,5% vers l’Asie).

En raison d’une relation de quasi exclusivité entre les constructeurs et leurs fournisseurs au Japon, les équipementiers automobiles japonais, qui sont souvent de très petites structures familiales, font eux aussi face à d'importantes difficultés, en particulier de trésorerie. Quelques jours après la publication des résultats financiers 2019, le ministre chargé de la Revitalisation économique, Yasutoshi Nishimura, avait exprimé ses inquiétudes pour la situation des près de 20 000 fournisseurs.

Sur l’ensemble de l’exercice 2020-2021, les entreprises du secteur n’ont toujours pas publié leurs prévisions de résultats en raison des incertitudes pesant sur l’évolution de la situation sanitaire et de la demande. Seul Toyota a annoncé une chute de -80% de son résultat d’exploitation. L’industrie se prépare à ce que la situation perdure -voire se détériore- et accroit en conséquence ses liquidités disponibles, tout en poursuivant les ajustements de production nécessaires.

2. En l’absence de plan gouvernemental dédié, les entreprises du secteur font appel aux mesures transversales et  s’entraident.

Aucun plan dédié au secteur automobile n’a été adopté jusqu’à présent, mais les entreprises peuvent faire appel à la vaste panoplie de dispositifs transversaux mis en place par le gouvernement : prêts à taux bonifiés auprès d’institutions financières publiques - la structure de financement de l'industrie stratégique, la Banque de développement du Japon (DBJ) ou bien encore la puissante Japan Finance Corporation (JFC), sorte de bras armé des financements contracycliques-, garanties d’emprunts et apports directs en capital sous la forme de prêts subordonnés. Afin de réduire les problèmes de trésorerie des grandes entreprises nationales, le gouvernement prévoit d’augmenter encore les facilités d’investissements de la DBJ, après avoir déjà triplé fin avril le plafond d’achat par la Banque du Japon d’obligations d’entreprises et de billets de trésorerie. La presse a également évoqué un programme de rachat d’actions privilégiées sans droit de vote, non confirmé à ce stade.

Les constructeurs continuent de bénéficier de réserves de trésorerie importantes, mais ont vu leurs notations financières dégradées fin mars avec perspective négative. Ils n'ont dès lors pas hésité à souscrire des emprunts auprès de la DBJ, mais aussi d’établissements bancaires privés japonais et étrangers pour des montants substantiels : 6 Mds € pour Nissan, 10,3 Mds € pour Toyota, 1,6 Md € pour Honda et 2,5 Mds € pour Mitsubishi Motors. Par ailleurs, le 15 mai, la presse japonaise rapportait une demande de Nissan visant à relever à 4 Mds € son plafond d’émissions d’obligations. Toyota, de son côté, l’avait déjà augmenté d’un tiers pour atteindre 2,5 Mds €.

Les entreprises ont également accès aux aides prévues dans les récents plans d'urgence pour assurer la continuité de l’emploi (chômage partiel) et faciliter la relocalisation et la diversification des moyens de production. Toyota avait déjà mis en place un système pour renforcer ses chaînes d'approvisionnement : son plan de continuité, publié début 2020, intègre l’évaluation des composants provenant de Chine afin de prévoir une éventuelle production sur le territoire national.

Les équipementiers devraient bénéficier des dispositifs gouvernementaux, mais aussi compter sur un soutien du secteur : quatre associations, dont la Japan Automobile Manufacturers Association (JAMA) présidée par Akio Toyoda (Président et CEO de Toyota), ont annoncé leur intention de créer un fonds d’aide et certains constructeurs, à l'instar de Honda, ont plaidé en faveur de délais de paiement auprès des sous-traitants.